Dernière chance pour le G20 de prévenir les impacts des agrocarburants et de la spéculation sur les droits de l’homme

[24 octobre 2011] GENÈVE – «Le G20 a fait une importante déclaration d’intention en mettant la sécurité alimentaire en tête de l’ordre du jour du G20. Mais convenir d’un plan d’action en matière de sécurité alimentaire sans aborder la question des agrocarburants et de la spéculation reviendrait à faire couler un bain sans mettre le bouchon. Toutes les bonnes idées ne feraient que s’écouler, » a averti Olivier De Schutter, Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation.

« « La faim dans laquelle vivent presque un milliard de personnes est une négation de leurs droits de l’homme » selon l’expert indépendant, qui incite les leaders du G20 à respecter leurs engagements quand ils se rencontreront cette semaine pour le sommet de clôture de la présidence française du G20 à Cannes (les 3 et 4 novembre).

« Vu la famine persistante dans la Corne de l’Afrique, les alertes aux mauvaises moissons en Afrique occidentale et les pertes de récoltes à cause des inondations en Asie du Sud-Est, il est plus urgent que jamais de s’attaquer à la volatilité des prix alimentaires et à la faim grandissante. Le ‘plan d’action’ convenu en juin dernier par les ministres de l’agriculture du G20 est trop faible. Le temps manque aux leaders mondiaux pour faire passer ce plan de la rhétorique à un train de mesures qui apporteront un véritable changement. Le coût de l’échec est colossal – les populations vulnérables auront de plus en plus faim, les marchés alimentaires gagneront en instabilité, et le monde ne sera absolument pas prêt à relever le défi de nourrir neuf milliards de personnes d’ici 2050. »

Le Rapporteur spécial a identifié plusieurs domaines dans lesquels les dirigeants doivent adopter une position plus vigoureuse pour défendre les droits de l’homme.

« Le G20 doit mettre un terme aux ‘biofuel mandates’ publics et aux subsides fiscaux qui jouent un rôle majeur dans la hausse des prix alimentaires et constituent un moteur important dans la course aux terres arables dans les pays en développement, » a déclaré De Schutter. « Les dirigeants doivent encore prouver qu’ils ont entendu les recommandations communes des organisations internationales faites il y a cinq mois, quand elles ont appelé les gouvernements du G20 à mettre un terme au subventionnement des agrocarburants. Il ne suffit pas de mentionner le problème en passant – le G20 doit faire passer le droit à l’alimentation avant les intérêts acquis de certaines de ses industries, » a-t-il ajouté.

«Le plan d’action risque par ailleurs de ne pas régler la question de la régulation financière, a prévenu l’expert indépendant. « Les marchés des denrées de base ne doivent pas être un refuge quand les autres marchés financiers se sont taris. La spéculation va bon train sur ces marchés, et au lieu de permettre aux producteurs et aux acheteurs de se prémunir contre le risque, elle a augmenté ce risque et a entraîné des changements de prix sans rapport avec les principes essentiels sous-jacents. »

Il a expliqué que si elles sont bienvenues, les limites de position ne suffiront pas. « Les bulles spéculatives ne sont pas seulement déclenchées quand une poignée d’individus adoptent des positions excessives, mais aussi, et peut-être surtout, quand un grand nombre de spéculateurs adoptent le même comportement moutonnier en suivant les mêmes signaux. »

De Schutter a également incité les dirigeants à adopter une position plus ferme en matière de réserves alimentaires. « Le G20 promeut volontiers de plus solides réserves alimentaires pour les urgences telles que la crise de la Corne de l’Afrique, mais les projets pilotes restreints sont manifestement insuffisants. »

« Nous devons nous montrer plus ambitieux et nous servir des stocks alimentaires pour stabiliser le marché. Si nous achetons aux petits paysans quand l’offre est abondante et que nous libérons ces stocks quand les marchés sont en situation difficile, nous pouvons empêcher la volatilité des prix et les chocs d’offre qui sont les premiers à entraîner des crises humanitaires. »

FIN

“Price Volatility in Food and Agricultural Markets: Policy Responses," Rapport soumis au G20 le 2 Juin 2011, préparé par la FAO, IFAD, FMI, OCDE, UNCTAD, PAM, la Banque Mondiale, l’OMC, IFPRI et l’Équipe spéciale de haut niveau sur la crise mondiale de la sécurité alimentaire.http://www.fao.org/fileadmin/templates/est/Volatility/Interagency_Report_to_the_G20_on_Food_Price_Volatility.pdf

Lire aussi: “Food crises: five priorities for the G20”, tribune par le Rapporteur Spécial sur le droit à l’alimentation, 16 Juin 2011 http://www.srfood.org/index.php/en/component/content/article/1394-g20-agriculture-5-priorities-to-end-food-crises

Olivier De Schutter a été nommé Rapporteur Spécial sur le droit à l’alimentation par le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies en mai 2008. Il est indépendant de tout gouvernement et de toute organisation. Pour de plus amples informations sur le mandat et le travail du Rapporteur Spécial, consultez: http://www2.ohchr.org/english/issues/food/index.htm o www.srfood.org

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