[22 juillet 2011] ANTANANARIVO – A Madagascar, un habitant sur deux est en situation d’insécurité alimentaire. Cette proportion s’élève à 68% dans le sud du pays. Les sanctions internationales que subit l’île et l’immobilisme gouvernemental ont clairement aggravé la situation. « Tous les indicateurs sur la sécurité alimentaire sont au rouge », a déclaré ce matin Olivier De Schutter, lors d’une conférence de presse clôturant sa mission officielle à Madagascar débutée le 18 juillet.
« Résultat, Madagascar est aujourd’hui l’un des pays où la malnutrition infantile est la plus élevée au monde – avec des niveaux comparables à l’Afghanistan ou au Yémen », conclut Olivier De Schutter.
Suite au coup d’Etat ayant conduit à la formation de la Haute Autorité de la Transition le 17 mars 2009 et à l’échec des médiations menées depuis lors, Madagascar fait l’objet de sanctions économiques.
« Les Etats-Unis ont suspendu Madagascar de la liste des pays bénéficiaires de l'African Growth and Opportunity Act. Cela a coûté au moins 50.000 emplois directs dans le secteur textile qui représentait la moitié des exportations malgaches. Quant à l'Union européenne, elle a gelé des programmes prêts à être signés avant la crise, suspendant toute aide au développement passant par le gouvernement. Le manque à gagner total est estimé à près de 600 millions d'euros. »
Bien que l’aide humanitaire des donateurs, distribuée par le canal des ONG, ait été significativement augmentée, la nature de cette aide ne permet pas de faire reculer la pauvreté durablement, estime Olivier De Schutter, qui rappelle au passage que « contourner l'Etat, c'est liquider sa capacité institutionnelle à terme, et hypothéquer les chances de développement à moyen terme. Nous sommes en train de recruter Madagascar dans la liste des Etats fragiles. »
« Il est grand temps de réexaminer le régime des sanctions », affirme-t-il. « Quant à la Haute Autorité de Transition, elle ne doit plus tirer prétexte de ces sanctions pour ne pas prendre des mesures de nature à éviter une catastrophe humanitaire à sa population. »
Selon le Rapporteur de l’ONU, ce double blocage politique a malheureusement porté atteinte à deux dynamiques prometteuses nées avant la crise : le développement d’une agriculture écologique hautement performante et la réforme foncière, visant à sécuriser l’accès à la terre pour la population.
« Madagascar dispose d’un potentiel unique en matière d’agriculture écologique », a-t-il expliqué. « On sait que le système de riziculture intensif, une découverte purement malgache, permet de doubler, tripler voire quadrupler les rendements. Une stratégie nationale d’appui à ce type de production écologique pourrait rendre la Grande Île autosuffisante en riz en 3 ans, alors qu’elle importe chaque année 100 à 150.000 tonnes de riz. Mais il faut pour cela que les autorités se décident à agir. »
« De même, le processus de sécurisation foncière semble lui aussi au point mort », a poursuivi le Rapporteur de l’ONU. Rappelant la tentative de Daewoo Logistics de prendre possession d’1,3 million d’hectares en 2008, le Rapporteur spécial note « Avant la crise politique, une course de vitesse était engagée entre la sécurisation des parcelles des ménages ruraux et la volonté des investisseurs d'accaparer les meilleures terres de l'Île. A présent les investisseurs se font rares, échaudés par la contestation sociale, et le processus de certification foncière piétine : entamée en 2006, elle ne touche encore que 416 communes sur 1550 au total, faute de ressources suffisantes. La course de vitesse est devenue une parade de lenteur.»
Clôturant son intervention, Olivier De Schutter a exprimé des doutes sur l’équité des accords de pêche en cours : « Les accords de pêche que Madagascar a signés avec l’UE ou avec des sociétés asiatiques font songer aux traités inégaux que les empires coloniaux signaient avec leurs colonies au 19ième siècle », a déclaré l’expert de l’ONU. « Légalement ou non, les mers sont pillées alors que la pêche pourrait être un moteur de développement pour l’Ile. Le fait que des flottes industrielles viennent pêcher sans quotas, dans un contexte de raréfaction des ressources marines, est inadmissible au 21ème siècle », a ajouté l’expert. « J’appelle les bailleurs de fonds et les organisations internationales à aider au plus vite Madagascar à renforcer ses capacités de surveillance de ses côtes ainsi que ses capacités de négociation, afin de développer une exploitation durable des mers, au bénéfice de ses habitants. On ne peut décemment pas surveiller 1 million de kilomètres carrés avec une demi-douzaine de bateaux.»
Lire les observations et conclusions préliminaires de la mission à Madagascar.
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