[3 octobre 2011] GENÈVE – « Les droits fonciers constituent le premier élément fondamental dans la voie de la réalisation de la sécurité alimentaire : sans consensus international quant à la façon dont les terres doivent être gérées, les intérêts des usagers les plus vulnérables continueront à être bafoués » a averti Olivier De Schutter, Rapporteur Spécial auprès des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, à quelques jours du début de négociations décisives à Rome.
« La menace de ‘l’accaparement des terres’ nous a rappelé combien l’accès à la terre est essentiel pour 500 millions de ménages vivant en situation d’insécurité alimentaire dans le monde » a-t-il affirmé.
« Un ensemble de lignes directrices, d’une portée considérable, sur les régimes fonciers pourrait être adopté lors de la prochaine session plénière du Comité de Sécurité alimentaire mondiale (CSA) de la FAO, réuni à Rome du 17 au 21 octobre, si les gouvernements arrivent à aller au-delà de leurs différences lors du dernier tour de négociations. « Je demande instamment à toutes les parties d’arriver à un consensus au sujet des Directives volontaires sur la gouvernance responsable des régimes fonciers des terres, pêches et forêts sans compromettre les normes fondamentales des droits de l’homme » a indiqué M. De Schutter.
« Les pressions commerciales sur les terres connaissent une croissance rapide. Les biocarburants, les projets d’infrastructures à grande échelle, les mécanismes de crédits-carbone et la spéculation conduisent à des modifications brusques des droits fonciers et donnent lieu à de nouvelles menaces pour les usagers les plus vulnérables des terres. Le changement climatique et la croissance démographique exacerberont les tensions dans et entre les pays » a-t-il expliqué.
Selon le Rapporteur, « Nous devons définir des directives générales sur la gouvernance foncière avant d’adopter des règles sur les investissements fonciers ». Les investissement nuisibles réalisés aux dépens des populations locales – connus sous le nom d’« accaparement des terres » - ne peuvent être évités que si nous assurons d’abord les droits fonciers prioritaires des paysans, des éleveurs et des pêcheurs ». L’an dernier, le Rapporteur Spécial a soutenu la décision du CSA de reporter l’examen des règles relatives aux investissements fonciers – les « Principes d’investissement agricoles responsables », tel est leur nom – jusqu’à ce qu’un accord puisse être atteint au sujet des questions plus larges liées à la gouvernance des terres, des zones de pêche et des forêts.
Ces lignes directrices générales doivent renforcer la sécurité de l’accès au foncier pour les petits producteurs alimentaires : les petits exploitants agricoles, mais aussi les éleveurs nomades et les pêcheurs, tous sérieusement menacés par les pressions commerciales existantes sur les terres. Les directrices volontaires prennent en compte également l’importance d’un accès équitable à la terre. Néanmoins, Olivier De Schutter a précisé que « la redistribution des terres ne suffit pas ; elle doit être accompagnée d’efforts parallèles pour soutenir plus largement les bénéficiaires ».
« En encourageant les investissements fonciers responsables, le Rapporteur Spécial a lancé un appel aux Etats à être prudents quant aux dangers de la spéculation sur les terres et de ceux liés à une concentration excessive de la propriété foncière en cas de transfert des droits fonciers aux investisseurs se proposant de « développer » les terres agricoles. « Nous devons sortir du carcan mental qui voit les investissements à grande échelle comme étant la seule manière de « développer » l’agriculture et d’assurer la stabilité de l’approvisionnement pour les acheteurs » a affirmé M. De Schutter qui, le mois prochain, présentera à l’Assemblée Générale des Nations Unies un rapport sur l’agriculture contractuelle et les chaînes de valeur agro-alimentaires qui peuvent améliorer l’accès aux marchés pour les petits paysans.
«Le Rapporteur Spécial considère que les Directrices volontaires peuvent offrir une orientation bien nécessaire aux Etats pour la résolution des conflits liés à l’utilisation des terres. En mai 2011, il a rendu public un ensemble détaillé de propositions pour assurer que ces directives volontaires soient cohérentes avec les normes internationalement reconnues des droits de l’homme, y compris le droit à l’alimentation, car ces droits ont des implications concrètes pour les questions foncières »
Même si certaines propositions ont été reprises dans le texte, plusieurs délégations ont exprimés lors du processus de négociation des réserves quant à des références spécifiques aux normes existantes des droits de l’homme.
«Les Etats ne doivent avoir aucune crainte. Ils ont beaucoup à gagner de l’adoption de lignes directrices qui amélioreront la capacité des gouvernements à désamorcer les conflits liés à la terre en période de tensions croissantes quant à l’accès aux ressources naturelles » a ajouté M. De Schutter. « Ces lignes directrices renforceront par ailleurs la position de négociation des Etats lorsque ceux-ci négocient avec des investisseurs privés. Cela pourrait contribuer à éviter l’actuel « nivellement par le bas » où les pays sont en situation de compétition pour attirer les investisseurs, en démantelant toute protection accordée aux usagers de la terre ».
« Par contre » a relevé le Rapporteur Spécial, « le prix de l’échec serait onéreux ». Sans consensus international, d’autres instruments chercheront à combler les lacunes, comme ceux déjà mis au point unilatéralement par des fonds d’investissement privés : un scénario bien loin de défendre les intérêts des usagers les plus vulnérables des terres ».
« Si les directives sont volontaires, la reddition de compte quant à leur mise en œuvre devrait elle être contraignante » a-t-il indiqué. « Si les pays ne sont pas confrontés à un suivi international et ne sont pas encouragés à informer leurs sociétés civiles nationales au sujet des progrès réalisés, une grande partie de la valeur ajoutée des Directives volontaires sur la gouvernance responsable des régimes fonciers des terres, pêches et forêts sera perdue ».
« Nous sommes arrivés au bon moment, et le CSA est le bon forum » a déclaré le Rapporteur Spécial, tout en expliquant que le CSA est « un forum unique dans lequel les gouvernements et les organisations internationales travaillent ensemble avec les organisations de la société civile ainsi que le secteur privé pour identifier les moyens de combattre la faim et la sous-alimentation. C’est l’opportunité de montrer qu’il est en mesure de forger le consensus ».
FIN
Olivier De Schutter a été nommé Rapporteur Spécial sur le droit à l’alimentation en mai 2008 par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Il est indépendant de tout gouvernement et de toute organisation.Pour de plus amples informations sur le mandat et le travail du Rapporteur Spécial, consultez http://www2.ohchr.org/english/issues/food/index.htm ou www.srfood.org
« Accès à la terre et Droit à l’alimentation », Rapport présenté à la 65ème Assemblée Générale des Nations Unies par le Rapporteur Spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation [A/65/281], 21 octobre 2010 : http://www2.ohchr.org/english/issues/food/annual.htm ou http://www.srfood.org/images/stories/pdf/officialreports/20101021_access-to-land-report_en.pdf
Commentaires sur le Projet Zéro des Directives volontaires sur la gouvernance responsable des régimes fonciers des terres, pêches et forêts ,Olivier De Schutter, Rapporteur Spécial auprès des Nations Unies sur le droit à l’alimentation 16 mai 2011: http://www2.ohchr.org/english/issues/food/other_documents.htm ou http://www.srfood.org/images/stories/pdf/otherdocuments/20110516_comments-zero-draft-guidelines_en.pdf
Contacts pour les médias:
Olivier De Schutter: Tel. +32.488 48 20 04 / JLIB_HTML_CLOAKING
Ulrik Halsteen ou Yoonie Kim (HCDH): Tel: +41 79 752 04 85 / JLIB_HTML_CLOAKING
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