[30 Octobre 2012] NEW YORK – Le Rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter, a mis aujourd’hui en garde contre la menace que ‘l’accaparement des mers’ fait planer sur la sécurité alimentaire, et a vivement recommandé aux gouvernements du monde entier et aux organes internationaux de mettre le holà à l’épuisement des stocks halieutiques, et de prendre des mesures urgentes afin de protéger, de soutenir et de partager les bénéfices retirés des pêches et des environnements marins.
« ‘L’accaparement des mers’ – sous la forme d’accords d’accès déséquilibrés qui nuisent aux pêcheurs artisanaux, de prises non signalées, d’incursions en eaux protégées et de détournement des ressources au détriment des populations locales – peut s’avérer une menace aussi sérieuse que ‘l’accaparement des terres’, » a déclaré M. De Schutter au moment de dévoiler un nouveau rapport* sur la pêche et le droit à l’alimentation.
« Sans une action rapide pour sauver les eaux de pratiques intenables, les pêches ne pourront plus jouer leur rôle capital dans la garantie du droit à l’alimentation de millions de personnes, » a annoncé l’expert, avant de remarquer que « les systèmes agricoles étant soumis à une pression croissante, bon nombre de personnes se tournent aujourd’hui vers les rivières, les lacs et les océans pour se procurer une part grandissante de nos protéines alimentaires. »
Les estimations relatives aux prises illégales font état de 10 à 28 millions de tonnes (mt), tandis que quelque 7,3mt – 10 pour cent des prises mondiales – sont rejetées chaque année. « Il est évident qu’à mesure que le poisson se fait plus rare, les navires de pêche sont tentés de contourner les règles et les stratégies de conservation, » a ajouté le Rapporteur spécial.
Bon nombre des eaux du monde sont pêchées par des flottes de pêche lointaine, a fait remarquer M. De Schutter, appelant à une révision urgente des Accords de Licence et d’Accès (ALA) qui régissent leurs activités. Il a appelé à ce que les ALA incluent des mécanismes de contrôle plus stricts afin de parer aux prises illégales et non signalées ; qu’ils tiennent pleinement compte du rôle des pêches et des pêcheurs artisanaux dans la satisfaction des besoins alimentaires locaux ; qu’ils renforcent les droits des travailleurs sur les navires de pêche ; et qu’ils soient exclusivement conclus sur la base des évaluations de l’impact sur les droits de l’homme, qui doivent être préparées avec l’aide des États du pavillon.
L’expert de l’ONU a demandé aux gouvernements de repenser les modèles de pêches qu’ils soutiennent, en soulignant que les pêcheurs artisanaux pêchent en fait plus de poissons par gallon de carburant que les flottes industrielles, et rejettent moins de poissons. « La pêche industrielle dans les eaux très étendues peut sembler la bonne option économique, mais seulement parce que les flottes peuvent empocher d’importantes subventions tout en en extériorisant les coûts de la surpêche et de la dégradation des ressources. Ce sont les générations futures qui paieront le prix quand les océans seront vides, » a-t-il déclaré.
Le principal défi, a indiqué M. De Schutter, est d’assurer la coexistence entre la pêche industrielle et les droits des pêcheurs artisanaux et des communautés côtières – pour qui même une pêche occasionnelle peut s’avérer un filet de sécurité capital en temps de crise. Il avance donc les cinq recommandations suivantes :
- 1. Créer des zones de pêche exclusivement artisanales pour les petits pêcheurs et instaurer des mesures répressives contre les incursions des flottes industrielles ;
- 2. Soutenir les coopératives de pêcheurs artisanaux et les aider à s’élever dans la chaîne de valeur ;
- 3. Mettre en place des plans de cogestion afin de gérer localement les ressources halieutiques ;
- 4. S’abstenir d’entreprendre des projets de développement à grande échelle, comme l’extraction de sable, qui ont un impact défavorable sur les moyens de subsistance des pêcheurs artisanaux ; et
- 5. Intégrer à part entière les pêches et les pêcheurs artisanaux dans le droit national aux stratégies alimentaires.
L’expert indépendant a attiré l’attention sur des exemples positifs, comme la décision d’accorder des droits d’usage communautaires aux pêcheurs artisanaux sur le plus grand lac d’eau douce en Asie du Sud-Est (Tonlé Sap, Cambodge), et la décision d’interdire la pêche thonière industrielle en faveur des pêcheurs ‘à la canne’ locaux dans les Maldives.
« Il est possible et nécessaire de sauver ces ressources de la surexploitation et d’en faire profiter les communautés locales, » a souligné le Rapporteur spécial.
FIN
(*) Lire le rapport: 'La Pêche et le Droit à l’Alimentation'.
Lire la note de synthèse.
Olivier De Schutter était censé présenter le rapport 'La Pêche et le Droit à l'Alimentation' à l'Assemblée Générale des Nations Unies le 30 Octobre, mais son dialogue interactif a été reporté dû à l'ouragan Sandy. Consultez www.srfood.org pour des informations supplémentaires.
Olivier De Schutter a été nommé Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation en mai 2008 par le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies. Il est indépendant de tout gouvernement et de toute organisation. Pour plus d’informations sur le travail du Rapporteur spécial, veuillez consulter : http://www2.ohchr.org/english/issues/food/index.htm ou www.srfood.org.
Pour plus d’informations et pour toute requête des médias, merci de contacter : Olivier De Schutter (+32.488.482004 / JLIB_HTML_CLOAKING / JLIB_HTML_CLOAKING)
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