[26 January 2012] GENÈVE – Olivier De Schutter, l’expert des Nations unies sur le droit à l’alimentation, a vivement recommandé jeudi aux ministres réunis à Davos pour le Forum économique mondial de reconnaître la relation entre la mondialisation et les droits de l’homme, en déclarant que « la mondialisation devrait servir les droits de l’homme et le développement durable, au lieu d’être un processus aveugle à ses retombées sur les individus concernés. »
« Les normes en matière de droits de l’homme doivent donner une nouvelle orientation à la mondialisation à mesure que l’on cherche des stratégies pour relancer et développer l’économie mondiale, » a insisté Olivier De Schutter, Rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation.
Faisant référence au thème du forum de cette année à Davos, ‘la grande transformation’, De Schutter a déclaré que la véritable grande transformation devait aller au-delà du rééquilibrage des ratios de la dette au PIB dans le monde développé.
« Nous devons enfin faire attention aux plus vastes déséquilibres qui sont les symptômes d’une mondialisation débridée. Des gens du monde entier ont maille à partir avec des processus économiques qui condamnent des régions entières à l’abandon ou à la dégradation et enferment des groupes de population entiers dans une pauvreté perpétuelle, » a-t-il ajouté.
« La mondialisation passe par des accords bilatéraux sur le commerce et les investissements pour redéfinir le paysage économique d’un pays. Ces accords mettent souvent en branle un processus de restructuration qui bouleverse les fondements existants d’une économie. » Ces accords bilatéraux augmentent rapidement en nombre, et pas moins de 6000 accords d’investissement sont actuellement en place.
« Les gouvernements des États souverains doivent soumettre chaque accord proposé à ‘l’épreuve des droits de l’homme’, sous la forme d’une étude d’impact de ces accords sur les droits humains, afin de s’acquitter de leurs obligations envers leurs citoyens, » a souligné l’expert indépendant.
« Une Étude d’impact sur les droits humains (EIDH) ne consiste pas seulement à évaluer la durabilité environnementale ou l’impact d’un accord sur la progression vers des objectifs de développement spécifiques. Elle vise aussi à protéger les droits inaliénables de chaque individu face aux conditions économiques changeantes, » a rappelé M. De Schutter.
« Les États ont le devoir de respecter les droits de l’homme, tels que le droit à l’alimentation, et de fixer des règles aux acteurs privés afin de s’assurer qu’ils ne portent pas atteinte à ces droits. Les États ne peuvent dès lors pas s’autoriser à se laisser enfermer dans des accords qui diminuent leur capacité à respecter leurs engagements en matière de droits de l’homme ; ils ne devraient pas non plus imposer ce genre d’accords à d’autres États, quelles que soient les concessions que l’autre partie semble prête à faire, pour s’assurer l’accès à des marchés d’exportation ou pour attirer des investisseurs. »
Les États doivent faire en sorte que les droits de l’homme soient véritablement protégés dans le cadre des accords commerciaux et d’investissement, en fixant des conditions pour garantir l’intégrité et la transparence des accords et pour s’assurer qu’ils tiennent compte de la situation des segments les plus vulnérables de la population. Ils doivent également définir la manière de gérer les compromis, quand certains groupes tirent avantage de l’accord tandis que d’autres y perdent.
En vue de soutenir ces efforts, le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation présentera à la session de mars 2012 du Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies un ensemble de principes directeurs pour mener des études d’impact des accords commerciaux et d’investissement sur les droits humains.
Mener une étude d’impact sur les droits humains devrait par exemple servir à soutenir l’évaluation par le Parlement européen de l’Accord de libre-échange actuellement en phase de finalisation dans les négociations entre le Gouvernement indien et la Commission européenne. Certaines estimations laissent entendre que la libéralisation des tarifs douaniers encouragée par le projet d’accord dans les secteurs des produits laitiers et de la volaille pourrait menacer les moyens d’existence de 14 millions de ménages extrêmement pauvres en Inde – la moitié d’entre eux sans terre – qui dépendent de la production de lait, et que des agriculteurs marginaux qui améliorent leurs sources de revenus en élevant de la volaille de basse-cour pourraient eux aussi être gravement touchés par l’augmentation des importations de viande de volaille fraîche de l’Union européenne. Autre résultat de l’accord en préparation, les petits vendeurs des rues – 10 millions de personnes au total – pourraient être touchés par la libéralisation des investissements dans le secteur du détail.
« Ce genre de conséquences sociales de la libéralisation du commerce et des investissements a des retombées directes sur le droit à l’alimentation, » a fait remarquer De Schutter. « La méthodologie que je vais proposer dans mes principes directeurs est une manière de s’assurer que les gouvernements ne négligent pas leurs obligations en matière de droits de l’homme dans la négociation de ces accords. »
FIN
Olivier De Schutter a été nommé Rapporteur Spécial sur le droit à l’alimentation par le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies en mai 2008. Il est indépendant de tout gouvernement et de toute organisation. Pour de plus amples informations sur le mandat et le travail du Rapporteur Spécial, consultez: http://www2.ohchr.org/english/issues/food/index.htm o www.srfood.org
Le Rapporteur Spécial présentera les “Principes directeurs applicables aux études de l’impact des accords de commerce et d’investissement sur les droits de l’homme" au 19eme session du Conseil des Droits de l’Homme (27 Fevrier au 23 Mars 2012)
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